Depuis plus de 10 ans, les pays et îles de la Caraïbe dont la Martinique sont touchés par des échouements de radeaux de sargasses qui s’intensifient au cours du temps. Leurs produits de décomposition comprennent des composés tels que l’hydrogène sulfuré et l’ammoniac. Ainsi ces échouements massifs d’algues sont devenus une problématique qui impacte la santé (inflammation des voies respiratoires), l’environnement (hypoxie des zones) et l’économie (tourisme). L’eau de mer est un milieu agressif pour les aciers au regard de sa composition chimique et à la grande diversité d’organismes présents. La corrosion des aciers est un processus de dégradation du métal mettant en jeu des réactions d’oxydo-réductions induisant un changement des propriétés physiques et mécaniques (résistance, ductilité) du matériau. En présence de microorganismes présents à la surface du métal et en fonction de leur métabolisme des phénomènes appelé biocorrosion ou CIM (corrosion induite par les microorganismes) apparaissent et peuvent contribuer très activement à la dégradation du matériau qu’ils colonisent. La corrosion marine des structures métalliques a un coût très élevé ; elle peut provoquer de nombreux dégâts économiques, environnementaux et humains. Cette étude avait pour objectif de mesurer l’impact de la présence des radeaux de sargasses sur les paramètres physico-chimiques et sur la diversité des communautés bactériennes du milieu et plus globalement sur la corrosion marine d’aciers immergés. Pour tenter de comprendre et quantifier cet impact, une approche multidisciplinaire a été utilisée en effectuant des suivis de paramètres physico-chimiques, en réalisant des analyses de surfaces, en utilisant des techniques d’électrochimie et en analysant les communautés microbiennes. Trois nuances d’aciers (l’acier carbone DC01 et les aciers inoxydables 304L et 316L) ont ainsi été immergés pour différentes durées sur 3 sites, sur la Côte Atlantique de la Martinique, impactés de manière différentes par la présence de sargasses : le Port du Marigot (sargasses en décomposition/ fraîches), la plage de Frégate Est 2 (sargasses fraîches) et la baie de Cosmy (rare sargasses fraîches). En présence de sargasses décomposées, les paramètres physicochimiques (un pH plus acide, de faibles concentrations en oxygène dissous et un potentiel d’oxydo-réduction négatif) ont subi des variations importantes. Les genres Desulfovibrio, Desulfomonas, Desulfobacter (identifiés actifs dans les phénomènes de biocorrosion) sont présents en proportions variables sur les différents sites. En effet, ces résultats sont corrélés avec l’observation des coupons (formation d’une couche stratifiée de produits de corrosion de couleur noir, la présence de soufre élémentaire) et avec des vitesses de corrosion très élevées. Les valeurs maximales de vitesses de corrosion enregistrées sont de l’ordre de 2,8± 0,7 mm/an pour l’acier DC01, 6,6±1,48 mm/an pour l’acier 304L et de 0,2 mm/an pour le 316L au site PM. En conclusion, la présence de radeaux de sargasses influence à la fois les paramètres physico-chimiques du milieu, les communautés bactériennes mais aussi la corrosion marine des aciers.