Enseigner et apprendre la démonstration en mathématique : perceptions et vécu dans l’enseignement supérieur aux Antilles
Abstract
Dans le système éducatif français, la démonstration n’apparait pas en classe de mathématique comme un objet d’enseignement au sens de Chevallard (1985). En effet, du fait de sa mention transversale dans les programmes de l’enseignement secondaire et de la demande de progressivité dans son apprentissage, elle revêt plutôt le statut d’objet de connaissance. Ce constat est renforcé par son absence dans les textes institutionnels régissant l’enseignement des mathématiques en Classes Préparatoires Scientifiques aux Grandes Écoles et dans les blocs de compétences des fiches du Répertoire National des Compétences Professionnelles sur lesquelles s’appuient les maquettes de licence de mathématique.
Si la démonstration n’est pas nommée dans les objectifs d’apprentissage de ces cursus post secondaire, elle y est pour autant régulièrement fréquentée au cours des enseignements sous diverses formes. Parmi les pratiques courantes, nous pouvons noter l’exposition par l’enseignant ou la pratique guidée ou autonome par l’étudiant au cours de la résolution d’exercices dont la finalité peut être ou non de prouver un résultat. La pluralité des milieux (Sensevy, 2011) pouvant être mis en jeu dans cet apprentissage nous amène à considérer à la fois l’action de l’enseignant et celle de l’étudiant dans l’acquisition de la démonstration en mathématique. Les interrogations orales en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles constituent un exemple de situation adidactique, au sens de Brousseau (1998), au cours de laquelle l’étudiant est amené à construire une démonstration pour valider un résultat proposé ou une conjecture qu’il a émise (Lalaude-Labayle, 2016).
Nous sommes amenés à penser que, dans le cadre de situations d’interactions professeur-étudiant, les conceptions de l’enseignant sur la démonstration influencent l’apprentissage de leurs étudiants, ses perceptions quant à sa capacité à démontrer et la signification qu’ils attribuent au vocabulaire mis en jeu dans l’action de prouver.
L’étude présentée ici a pour objectif de décrire les conceptions d’étudiants inscrits aux Antilles à l’université ou en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles scientifiques sur la démonstration et les perceptions d’enseignants intervenant dans leur cursus. Les conceptions des étudiants sont recueillies à deux étapes, au début de chacune de leurs deux premières années dans l’enseignement supérieur, lors d’enquêtes par questionnaire au cours desquelles nous étudions leur ressenti sur leur capacité à prouver et sur le sens donné aux termes environnant la démonstration. Pour le versant enseignants, nous menons des entretiens semi-directifs, portant également sur la sémantique et sur leur conception de la démonstration et de son enseignement. Les premiers résultats montrent une pluralité des perceptions des enseignants et des étudiants relativement à certains concepts relatifs à la démonstration, mais également une corrélation entre les perceptions des enseignants et l’évolution de celles des étudiants au cours du cursus.