Biological and cultural histories of two emblematic rodents of the Lesser Antilles: bioarchaeological approaches
Histoires biologique et culturelle de deux rongeurs emblématiques des Petites Antilles : approches bioarchéologiques
Résumé
The colonisation of oceanic archipelagos by non-flying vertebrates is limited by the absence of a land bridge linking these islands to the continent. However, in the Lesser Antilles archipelago, rodent bones have been identified on archaeological sites dated to the Ceramic Age (500 BCE-1500 CE). In particular, two of these rodents, the rice rats (Oryzomyini tribe) and the agoutis (Dasyprocta), dominate these assemblages and display evidence of human consumption. While agoutis are now rare in the Lesser Antilles, the Oryzomyini have completely disappeared since the end of the 19th century. Identifying the diversity of these groups and unravelling their evolution over time, during the pre-Columbian periods, are therefore two bioarchaeological challenges necessary for a better understanding of the lifestyles of past human societies in the archipelago. Indeed, rodents are very good proxies for studying human groups: movements and mobility of populations, synanthropy or taming, hunting and cooking practices, etc. Moreover, islands are very interesting special laboratories for studying the evolution of biodiversity over time. These more or less closed geographical areas have fragile ecosystems that respond quickly and strongly to any environmental disturbance caused by human populations. A total of 30885 rodent bones from 10 islands of the Antillean archipelago, of which 1668 remains were measured, were initially identified by the zooarchaeological study of faunal assemblages from 65 archaeological sites. In addition, the cranial remains (teeth and/or mandibles) of 1588 rice rats and 205 agoutis from 48 archaeological sites of the Ceramic Age, spread over 14 islands, were recorded. Supplemented by 97 specimens from heritage collections (MNHN, FLMNH and AASPE), the study of the different anatomical elements of these rodents performed in this research, by using a combination of methodological approaches (zooarchaeology, traditional morphometry and geometric morphometry), made it possible to bring new elements on the understanding of the archaeo-biogeographical dynamics of these rodents and their relations with pre-Columbian ceramic societies. The data obtained show the importance of rice rats and agoutis in the diet of these human groups throughout the chronology. These rodents were the object of different culinary practices, symptomatic of their respective places in the daily and symbolic spheres. Furthermore, the evidence of different morphological groups, between islands (Oryzomyini) or between continental and island populations (Dasyprocta), would favour the hypothesis of natural dispersal and limited displacement by human societies. In this respect, the patterns of diversity seem to be associated with natural factors (geographical isolation in relation to the geological history and eustatic variations since the Miocene), taking into account the ecological and biological adaptation capacities of these taxa, and marking the impact of an insular environment. These results highlight the interest of continuing the search for material and conducting transdisciplinary studies in order to further reconstruct the biological evolution of rodents in the Lesser Antilles and their cultural importance for past human societies.
La colonisation des archipels océaniques par les vertébrés non-volants est limitée par l’absence de ponts terrestres reliant ces îles au continent. Pour autant, dans l’archipel des Petites Antilles, sur les sites archéologiques datés de l’Âge Céramique (500 BCE-1500 CE), des ossements de rongeurs ont été identifiés. Deux de ces rongeurs, les rats des rizières (tribu des Oryzomyini) et les agoutis (Dasyprocta), dominent ces assemblages et présentent les marques d’une consommation humaine. Si, aujourd’hui, les agoutis sont encore présents bien que rares dans les Petites Antilles, les Oryzomyini ont, quant à eux, complètement disparu depuis la fin du 19ème siècle. Identifier la diversité de ces groupes et suivre leur évolution au cours du temps, durant les périodes précolombiennes, sont donc des enjeux bioarchéologiques nécessaires à une meilleure compréhension des modes de vie des sociétés humaines passées de l’archipel. En effet, les rongeurs sont de très bons proxi pour étudier les groupes humains : déplacements et mobilité des populations, synanthopie ou apprivoisement, pratiques de chasse et de cuisine etc. En outre, les îles sont des cas particuliers intéressants pour étudier l'évolution de la biodiversité au fil du temps. Ces zones géographiques, plus ou moins fermées, présentent des écosystèmes fragiles qui répondent rapidement et fortement aux perturbations environnementales causées par les populations humaines. Au total, 30885 ossements de rongeurs provenant de 10 îles de l’archipel antillais, dont 1668 restes ont été mesurés, ont été identifiés initialement par l’étude archéozoologique des assemblages fauniques de 65 sites archéologiques. En outre, les restes crâniens (dents et/ou mandibules) de 1588 rats des rizières et 205 agoutis, provenant de 48 sites archéologiques de l’Âge Céramique et répartis sur 14 îles, ont été répertoriés. Complétée par 97 spécimens des collections patrimoniales (MNHN, FLMNH et AASPE), l’étude des différents éléments anatomiques de ces rongeurs, à l’aide d’une combinaison d’approches méthodologiques (archéozoologie, morphométrie traditionnelle et morphométrie géométrique), a permis d’apporter des éléments nouveaux sur la compréhension des dynamiques archéobiogéographiques de ces rongeurs et de leurs relations avec les sociétés précolombiennes céramiques. Les données obtenues font état de l’importance, tout au long de la chronologie, des rats des rizières et des agoutis dans l’alimentation de ces groupes humains. Ces rongeurs faisaient l’objet de pratiques culinaires différentes, symptomatiques de leurs places respectives dans les sphères quotidienne et symbolique. Par ailleurs, la mise en évidence de différents groupes morphologiques, entre les îles (Oryzomyini) ou entre les populations continentales et insulaires (Dasyprocta), favoriserait l’hypothèse d’une dispersion naturelle et non d’un déplacement par les sociétés humaines. À ce titre, les modèles de diversité observés, semblent être associés à des facteurs naturels (isolement géographique en lien avec l’histoire géologique et les variations eustatiques depuis le Miocène), prenant en compte les capacités d’adaptation écologique et biologique de ces taxons, et marquant l’impact d’un milieu insulaire. Ces résultats mettent en évidence l’intérêt de continuer la recherche de matériel (archéologie et actuel) et la réalisation d’études transdisciplinaires, afin de reconstituer les histoires culturelles et biologiques passées des rongeurs dans les Petites Antilles.