Nomenclature des systèmes d’intelligence artificielle judiciaire (SIAJ) - Université des Antilles
Article Dans Une Revue Diritto Processuale civile italiano e comparato DPCIeC Année : 2023

Nomenclature des systèmes d’intelligence artificielle judiciaire (SIAJ)

Samir Merabet
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1088153
  • IdRef : 235695769

Résumé

L’intelligence artificielle est de plus en plus souvent envisagée comme un remède à la crise de la justice. L’institution judiciaire connait une crise multifactorielle. Pour l’essentiel, un manque de moyens emporte des dysfonctionnements, qui nourrissent une méfiance voire une défiance vis-à-vis des juges voir de la justice dans son ensemble. Dans ces circonstances, ici comme ailleurs, la technologie peut être envisagée comme une solution miracle. Le Doyen Catala avait très tôt identifié ce danger, affirmant que « de nos jours, une justice accablée de charge accueillerait plus volontiers que naguère tout secours qui soulagerait son fardeau, fût-il informatique » (P. Catala, Le droit à l’épreuve du numérique, Juris ex Machina : PUF, 1998, spéc. p. 181). Si l’intelligence artificielle peut être une opportunité pour le système judiciaire, il est encore nécessaire de déterminer ses applications potentielles pour mieux les encadrer. La démarche menée consiste à distinguer trois fonctions potentielles de systèmes d’intelligence artificielle en matière judiciaire, par l’observation du contentieux français et italien. Trois fonctions de ces systèmes sont identités. D’abord, connaitre le droit. Les systèmes d’intelligence artificielle peuvent servir une utile démocratisation du droit. La réglementation juridique est souvent technique et peu intelligible. Des systèmes experts peuvent ainsi être utilisés pour connaitre l’état du droit sur telle ou telle question. Des simulations ont pu être réalisées avec des outils tels que Chat GPT, produisant des effets plus ou moins concluants. Si ce type de système devait être généralisé, ils seraient déterminant d’encadrer leur usage et leur conception, de manière à ce qu’ils n’induisent pas en erreur les justiciables et véhiculent une conception erronée de l’état du droit. Ensuite, prédire le droit. Les systèmes pensés pour la connaissance du droit, notamment de la jurisprudence, sont tournés vers le passé. Les systèmes d’intelligence artificielle peuvent également avoir pour but de prédire l’avenir et, plus précisément, l’issue d’un litige. On comprend alors la formule de « justice prédictive » parfois utilisée pour désigner ces outils. Là encore, si de tels dispositifs présentent un intérêt, ils présentent également des dangers notamment que des justiciables renoncent à des recours en justice sur la foi de prédiction erronée. De tels dispositifs ont pourtant été envisagés par le gouvernement français au travers d’un outil baptisé Datajust et destiné à évaluer les indemnités pouvant être perçu par des victimes de préjudices. Si ces outils peuvent être encouragés, c’est à la condition qu’ils soient fiables. Persiste notamment un risque de biais en raison des données mobilisées. Leur déploiement implique que le droit se préoccupe de leur conception. Enfin, juger. Au plus haut sommet des systèmes d’intelligence artificielle judiciaires, on retrouve les dispositifs conçus pour décider, en lieu et place des juges. Ces systèmes d’intelligence artificielle n’ont alors plus vocation à renseigner et accompagner l’auteur d’une décision, mais à se voir confier la décision elle-même. C’est le scénario le plus inquiétant, mais également le moins probable. L’hypothèse d’une justice totalement autonomisée, sans intervention humaine, relève sans doute du scénario de science-fiction. Le danger est ailleurs. On peut craindre que des systèmes d’aide à la décision seulement pensée pour accompagner le juge ne finissent pas se substituer lui, dès lors que le magistrat se contenterait de reproduire la suggestion qui lui serait adressée. Des juges accablés par leur charge et par les délais de procédures pourraient être tentés de gagner du temps ainsi risquant d’exposer le justiciable à des erreurs de droit voire des discriminations générées par le système sans même que le juge n’en ait connaissance.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04740624 , version 1 (16-10-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04740624 , version 1

Citer

Samir Merabet. Nomenclature des systèmes d’intelligence artificielle judiciaire (SIAJ). Diritto Processuale civile italiano e comparato DPCIeC, 2023, 3, www.ildirittoprocessualecivile.it. ⟨hal-04740624⟩

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